Faut-il aller voir Alice au pays des merveilles ?
Je n’aime pas beaucoup Tim Burton. Si Edward aux mains d’argent était un très joli film et si Sleepy Hollow était porté par un univers singulier, je suis très peu client du maître, depuis qu’il commence à en faire des tonnes. Des tonnes de couleurs criardes pour le très mauvais et linéaire Charlie et la chocolaterie, des tonnes d’hémoglobine pour l’affligeant Sweeney Todd et ne parlons pas de Batman, sinon je perds mon calme. A chaque fois, on a le droit au même univers bizarre, où chaque brute cache un gros tendre et où les branches d’arbres ne sont pas droites. You-pi.
Je partais donc voir Alice aux pays des merveilles en imaginant déjà la façon dont j’allais le démonter. Au début du film, ça sentait le souffre : dans une Angleterre victorienne peu intéressante, la jeune Alice est promise à un lord laid et d’autant plus méchant qu’il est roux. Elle décide donc de suivre un lapin pour tomber dans un univers merveilleux. Sur place, elle sent comme un air de déjà venue. Elle est entourée par deux gros jumeaux pas drôles. Une chenille fume un narguilé. C’est merveilleux.
Il y a des choses que l’on ne pourra pas reprocher à Tim Burton. Le film est une production Disney, il n’y a donc pas de raison qu’il échappe au tarif en vigueur : un monde manichéen, une histoire cousue de fils blancs et la chanson du générique composée par la très énervante Avril Lavigne. A cela, on ajoutera la nécessité de rester dans les clous et l’interdiction absolue de dire des gros mots.
Outre ce départ moyen, il faut rajouter la 3D, qui n’apporte pas grand chose d’autre qu’un prix scandaleux, un léger mal de crâne et des lunettes peu esthétiques sur le pif. Et pour finir de corser le tarif, j’ajouterai que l’univers généré par ordinateur n’échappe pas à cet aspect plastifié qui enlève autant de charme qu’il ajoute de merveilleux. Et alors, c’est nul ?
Dés les premiers pas d’Alice dans le “pays des merveilles”, un léger charme commence à s’étendre. Les branches d’arbres sont toujours aussi tordues, mais l’univers de Lewis Carol, l’auteur du conte, l’emporte rapidement sur le bestiaire burtonien. Mieux que ça, Tim Burton n’hésite pas à se saisir des aspects les plus sombres de l’histoire enfantine pour rajouter de l’horreur ou de l’ironie dans ce monde ampoulé : Alice miniature traverse une rivière en sautant sur des têtes coupées, la reine blanche perd de sa “princesse attitude” en retenant des hauts le coeur et l’histoire suggère une histoire d’amour en filigrane.
On regrette un peu que l’aspect sombre d’Alice ne soit pas assez poussé (comme il l’avait été fait dans un jeu vidéo mémorable). Heureusement, Johnny Depp est là pour emporter le film très loin de la fable consensuelle. Plus dingue que jamais, l’acteur-qui-sauve-les-films est fidèle à sa réputation. Chacun des plans où il apparaît est une merveille de bizarrerie, aussi drôle que flippante. J’insiste particulièrement sur la VO, où on peut l’entendre changer d’accent toutes les deux minutes, passant du petit garçon qui zozote au chevalier écossais.
En bref : Il faut aller voir Alice au pays des merveilles. Tim Burton ne retrouve pas le niveau de ses premiers films et on reste dans la fable gentillette et familiale. Pourtant, un certain charme se dirige de l’univers, et l’ironie permanente permet de prendre du recul par rapport au conte édulcoré.
Certes, le film doit énormément à son acteur principal, et les scènes sont un peu vides en son absence. Néanmoins, la jeune inconnue qui tient le premier rôle s’en sort très bien et certains personnage secondaires comme le Chat volant, permettent de passer un moment agréable.