Faut-il aller voir Les émotifs anonymes ?
Angélique et Jean-René ont un balai dans le nez. Elle est émotive maladive, il est coincé comme une plinthe. En commun, ils ont des peines de cœur, peu de rapports humains et la honte en horreur. Quand cette paire de nouille se rencontre, il n’y a vraiment aucune chance pour qu’ils tirent un coup. Mais la belle lui tape dans l’œil et soulève un coin de son autisme. Coolos ?
L’idée de base est pas mal : une rencontre improbable, entre deux timides cliniquement coinços, ça augurait de belles scènes nonsense et des quiproquos d’ampleur. Le réalisateur nous les livre sans faire de zèle : le dîner gênant dans un restaurant trop classe, les dialogues absurdes et les silences ridicules. Tendrement croquées, les maladresses des protagonistes rappelleront des souvenirs à ceux qui ont les pieds en dedans face à une jolie fille (ou les joues rouges en face d’un beau mec).
Le personnage de Benoît Poelvoorde est le plus intéressant. Caricatural à l’extrême, le belge pas drôle campe un patron maniaco-dépressif qui a peur de tout, à commencer par la peur elle-même. Menacé de Love, il trouve une parade : il se dérobe dés qu’une femme enlève la sienne. « J’espère que rien ne va m’arriver », c’est la devise du personnage, et la philosophie de l’histoire, en négatif : Le bonheur n’a pas de saveur sous film plastique. Rien de révolutionnaire ici, mais une petite décharge électrique salutaire contre l’aseptisation ambiante.
Poelvoorde ne m’ayant jamais arraché un sourire, je n’ai pas été plus surpris que d’habitude par son cabotinage fatiguant et ses mimiques lourdingues. En revanche, Isabelle Carré continue de prouver son talent pour jouer les filles perdues et réussi à rendre attachant un personnage mal défini par le scénario.
C’est l’erreur du film : l’émotivisme des personnages n’est pas creusé et leur timidité peine à convaincre tant elle est à géométrie variable. Au final, les scénaristes sacrifient la crédibilité des personnages au bénéfice du comique, en les faisant passer à loisir de semi-autistes à simples timides. C’est d’autant plus gênant que l’on rit très peu.
En Bref : Il ne faut pas aller voir Les émotifs anonymes. L’histoire d’amour censée tenir le film est trop simple pour tenir en haleine : Les personnages sont sur les rails du bonheur dés le départ, le bisou arrive beaucoup trop tôt et l’ennui se dispute souvent à la guimauve, dans des scènes tartes et mal écrites.
Pourtant, nous ne sommes pas devant le nanard de l’année. Feel good movie, Les émotifs anonymes nous colle parfois un sourire béat. Au milieu des guirlandes, c’est plutôt cool. Mais si on lui soustrayait l’esprit de Noël, cette critique serait sans doute bien plus farouche.
D’ailleurs, il y a trois jours, Le Règne de l’Arbitraire fêtait sa première année d’activité. Vous pouvez lui faxer vos chèques.