Faut-il aller voir Birdman ?
Couchez les enfants. Ça va chier.
Si Birdman était un adjectif, Birdman serait pompier.
Pas parce qu’il monte aux échelles pour éteindre les incendies. Certes, Birdman est peint en rouge, sirène hurlante et à cent à l’heure, mais c’est seulement parce qu’il est 17h, et qu’il veut rentrer chez lui. Derrière ses airs affairé, Birdman est fainéant, mais Birdman fait du bruit parce qu’il aimerait bien que tout le monde le regarde.
Et ça marche. Les Oscars se sont inclinés, les critiques se sont dandinés parce qu’Inarritu est un bandit-né. Il vient de réaliser le casse du siècle. La méthode n’est pas neuve : l’année dernière Alfonso Cuaron avait braqué les Oscars et le monde entier avec la même technique.
Si Birdman était un film de SF, Birdman serait Gravity. Comme le pointe Maurice Chocolat, les deux films ont plus en commun que la nationalité de leurs réalisateurs et le nom de leur chef op. Dans l’un comme dans l’autre, la technique n’est pas au service de l’émotion ou de l’histoire, mais au service d’elle-même.
C’est nul. On fait des plans-séquences, grossièrement raccordés pour faire croire (à qui ?) qu’il n’y a que deux prises dans le film. Pourquoi ? Ben… c’est rigolo non ? Demain, les travelings seront à la mode, Inarritu nous fera un film de gauche à droite. L’Académie peut polir ses statuettes.
Pendant deux longues heures, le réalisateur nous toise, juché sur sa grosse moto. Il nous vrombit au nez en bombant le torse, mais quand le feu passe au vert, on constate qu’il n’a même pas son BSR. Juste du fric, un alliage d’arrogance et une prétention bien chromée.
Son carburant ? Un égo, panaché au mépris. Pour ses acteurs, pour la critique, mépris pour le spectateur et pour le cinéma en général. “Pourquoi suis-je aussi bête ?”, se demande Naomi Watts, subtile femme hystérique. “Parce que tu es une actrice !”, répond Andrea Riseborough, subtile femme jalouse, avant de lui rouler des pelles dans la pire scène du film, ou peut-être de l’année.
Et on comprend que malgré toute son esbroufe et ses steadycams volantes, Inarritu n’a pas la queue d’une idée. Quand il ne peut plus se cacher derrière ses petits trucs, il ne s’appuie que sur des clichés : scène lesbienne entre filles hétéros, relation père-fille compliquée, méchante critique amère, acteur égocentrique et impuissant (joli pléonasme). Des vieux pots, complètements cramés, parce que ça fait 50 ans qu’on y fait les meilleures soupes.
Celle-ci a un petit goût de brûlé.
En Bref : Il ne faut pas aller voir Birdman. Le réalisateur n’a rien à dire sauf à déballer son arrogance en vomissant au passage sur le milieu qui le comble de prix et d’attention. Sur le pont de ce naufrage, il faut quand même jeter une bouée à Edward Norton, toujours aussi brillant, et au coeur d’une jolie scène sur un toit brûlant.
En revanche, on souffre beaucoup pour Michael Keaton, propulsé dans ce rôle trop grand pour lui, calqué sur sa carrière, mais pas sur son talent. Deux heures plus tard, il est toujours invisible. Parce qu’on ne voit qu’Alejandro.
Si Birdman était une photo, Birdman serait un selfie.