Faut-il aller voir Quand vient la nuit ?
Bob est un barman barbu et barré. Bon gars, mais bizarre, il est beau et brutal. Bandit aussi, il blanchit des billions et recueuille un clébar tabassé dans une benne.
Je me demande si ça vaut le coup de continuer comme ça pendant trois plombes. Pour faire plus simple, disons que c’est l’histoire d’un mec qui rencontre un chien. Et qui décide de le protéger.
Et c’est déjà pas mal. D’ailleurs, on a du mal à comprendre le reste. Il y a des tchétchènes, des flics, des dealers et l’arsenal soigné d’un thriller classique et bien ficelé. Mais en fait, le scénariste se fout un peu de l’intrigue, et nous aussi. Ce qu’on aime, c’est l’odeur du bois et de l’alcool, la torpeur d’un bar irlandais, et le regard de son serveur en béton, vague et intense, fixé sur une brune un peu paumée, avec des cicatrices dans le cou.
Si Dennis Lehane, le scénariste, est le meilleur auteur de polar de la planète, ce n’est pas simplement parce qu’il raconte la pénombre des pubs et le noirceur des hommes. C’est parce qu’au tréfonds de ces âmes damnées, il arrive toujours à voir la lumière, et même parfois, un peu d’espoir.
Et malgré les membres amputés, les marres de sang et les exécutions sommaires, il y a dans ce film, quelque chose de joli.
Si Quand vient la nuit ne frappe pas dans l’estomac comme Gone Girl le mois dernier, on en sort malgré tout assez habité. Par le regard de Tom Hardy, le sourire gêné de Noomi Rapace ou la folie douce de Matthias Schoenaerts. Nappé dans un format élégant et sans génie, conduit par le fil d’une histoire assez banale, ce film ne révolutionne rien, mais il réussit à utiliser les codes classique pour diffuser une forme étrange de mélancolie.
Quelque chose d’unique, qui resort de la salle avec nous et marche un long moment à nos côtés. Surtout s’il pleut.
En Bref : Il faut aller voir Quand vient la nuit. Malgré son titre à la con (et mal traduit), malgré l’académisme de sa réalisation et malgré la présence rutilante de gloubiboulgas spatio-métaphysiques à l’affiche au même moment.
Il faut y aller pour le rayon de lumière au milieu des ténèbres, pour la neige qui tombe sur Brooklyn et pour voir une dernière fois James Gandolfini respirer avec difficulté en lâchant “go fuck yourself”.
En revanche, après la claque qu’était Bullhead, on espère que Michael Roskam saura garder ses distances avec Hollywood, pour pouvoir continuer à faire des films bizarres.