Faut-il aller voir La tête haute ?
Depuis qu’il sait marcher, Malony marche de travers. Dans les jouets des autres, dans les joints de sa mère, dans la gueule des éducateurs, dans les voitures volées et dans le tribunal de Dunkerque. A 15 ans, Malony ne connait pas ses profs, mais la juge l’appelle par son prénom.
Est-ce qu’on est foutu à 15 ans ? Est-ce qu’on peut vivre heureux loin de la mère ? Faut-il faire des enfants quand on porte un bracelet électronique ? Et c’est la faute à qui, s’ils deviennent dingues ?
La tête haute n’a pas de réponse. La réalisatrice, Emmanuelle Bercot nous épargne les théories sur l’éducation, la repentance et le système de répression infantile. Son film n’a pas de thèse, mais il pose pas mal de questions. A commencer par celle-là : que se passe-t-il quand les adultes ont peur d’un enfant ?
Il y a ceux qui laissent tomber et une poignée de héros imparfaits qui ne baissent pas les bras. A travers le parcours chaotique de Malony, Bercot raconte aussi le combat des juges, éducateurs, directeurs de centre qui n’en finissent plus de lui donner une dernière chance. Leur portrait est troublant.
Le reste est éreintant. Explosif, le film laisse le spectateur à plat. Malony, petite terreur fragile, ressemble à un pain de C4 en zone tropicale : instable au point de faire sursauter le caméraman, imprévisible, impitoyable et impulsif au dernier degré, Rod Paradot est aussi hypnotisant qu’inoubliable.
Oui ça fait beaucoup d’adjectifs.
La prouesse du film, c’est de ne rien pardonner à son personnage principal, sans pour autant le condamner. Il ne s’agit pas de sauver Malony, ni de l’accabler, juste de dresser le portrait d’une bête en cage, qui se jettent contre les barreaux jusqu’à l’épuisement. Et derrière la rage, il y a ce petit garçon apeuré, qui refuse de croire qu’il a une chance et dont la vie est une suite de convocations dans des bureaux.
La matière brute est tellement percutante qu’on oublie un peu le reste : quelques longueurs, des répétitions, un propos un peu diffus et un plan final vraiment très moche. Et pourtant il y’a beaucoup de beauté à Dunkerque, n’en déplaise à Catherine Deneuve.
En Bref : Il faut aller voir La tête haute. C’est Mommy sans le bullshit, sans les gimmicks pop, l’esthétique de pub et la complainte tire-larme. C’est à l’os, puissant, soufflant. Et lorsque le petit frère demande à son ainé si “la juge est d’accord pour qu’on vole des voitures ?” l’intensité dramatique culmine à des hauteurs où l’oxygène se fait rare.
Dans un salon cannois, Maïwenn a regretté que les femmes manquent de testostérone pour être réalisatrices. Bon. Je ne connais pas l’état hormonal d’Emmanuelle Bercot. Mais je crois qu’elle vient de me casser la gueule.